La Guadeloupe et notamment Grande-Terre ainsi que les communes du Gosier et de Sainte-Anne traversent une période particulièrement difficile depuis le début septembre. L’eau du robinet n’est plus distribuée, les habitants subissent une forte pénurie. C’est la conséquence d’un état désastreux des réseaux. Le taux de fuite est estimé à 70 %.
Certains ont été contraints de débourser des fortunes afin de jouir d’une eau potable et pour survivre à cette crise d’une grande ampleur. Cette dernière a forcément un impact non négligeable sur le tourisme. Les conditions sont donc déplorables et Paris semble avoir découvert la situation tardivement. Les politiques tentent de déployer des mesures pour tourner la page. Un projet est possible pour mettre fin à cette situation, mais il coûterait des millions d'euros !
Un réseau vétuste et un manque d'entretien
Une enquête approfondie révèle que la crise qui sévit en Guadeloupe depuis septembre 2024 trouve ses racines dans la vétusté du réseau de distribution et le manque d'entretien. Les canalisations, dont certaines datent de plusieurs décennies, sont sujettes à de nombreuses fuites et défaillances.
Selon les données du Syndicat Mixte de Gestion de l'Eau et de l'Assainissement en Guadeloupe (SMGEAG), le taux de renouvellement n'atteint que 0,5% par an. Ce pourcentage est bien en deçà des recommandations nationales. Les investissements dédiés à la modernisation des infrastructures sont estimés à plusieurs centaines de millions d'euros. C'est un montant que les autorités locales peinent à mobiliser.
Les contaminations à répétition aggravent la situation
Il est important de préciser que la qualité de l'eau distribuée en Guadeloupe est régulièrement compromise à cause des épisodes de contamination. Les analyses effectuées par les services sanitaires mettent en avant l’existence de polluants d'origine agricole, industrielle et domestique. Pour éviter cette situation, il suffit d'acheter un filtre à gravité couplé à un filtre à charbon qui réduit de 99 % leur présence. Il est même possible de l'utiliser avec l'eau de la rivière.
Par contre, les fuites dans les réseaux d'assainissement favorisent l'infiltration d'eaux usées dans les nappes phréatiques ainsi que les rivières.
Les normes de qualité et les niveaux de contamination observés :
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Norme |
Niveau moyen observé |
Nitrates |
50 mg/L |
65 mg/L |
Pesticides |
0,1 µg/L |
0,3 µg/L |
Bactéries coliformes |
0 UFC/100mL |
10 UFC/100mL |
Ces contaminations à répétition sont bien sûr combinées à des coupures fréquentes. Cela a forcément des répercussions dramatiques sur le quotidien des 390 000 locaux de l'île. Face à cette situation intenable, la colère ne cesse de gronder.
Les citoyens exigent depuis des mois des mesures d'urgence et des investissements massifs pour garantir un accès à une eau de qualité.
Quelles sont les conséquences de la crise de l'eau sur la population ?
La crise dans le centre et aux alentours de la Guadeloupe se dévoile via des coupures d'eau à la fois fréquentes et longues. Selon les autorités, entre 60 et 70% d'entre eux sont confrontés à des interruptions de service. Les zones majoritairement touchées se situent dans le sud de la Grande-Terre et plus particulièrement dans les communes du Gosier et de Sainte-Anne.
La durée moyenne des coupures a tendance à varier de quelques jours à plusieurs semaines consécutives. Pour que ces défaillances ne soient pas trop problématiques, le Syndicat Mixte de Gestion de l'Eau et de l'Assainissement de Guadeloupe (SMGEAG) a mis en place un système de tours.
Il prive certains quartiers d'approvisionnement pendant plusieurs jours afin de rétablir la pression dans les canalisations et pour alimenter les réservoirs.
La crise impacte la vie quotidienne de plus d'un habitant
Les Guadeloupéens et surtout les habitants de Grande-Terre vivent un enfer et ils n'ont pas l'impression de voir le bout du tunnel.
- L'hygiène est bien sûr compromise. Il est impossible de se laver, d'utiliser les sanitaires. Un habitant a mentionné un sentiment de malpropreté régulière.
- L'accès à l'eau potable est restreint, les citoyens sont contraints d'acheter des bouteilles alors que les prix sont élevés.
- Il y a des perturbations au niveau de la préparation des repas et des tâches ménagères.
- L'impact psychologique ne doit pas être négligé. Un Guadeloupéen a estimé qu'il était victime de stress, de frustration et même de dépression.
Agnès, une habitante du Gosier, raconte à Reporterre avoir été privée d'eau pendant 18 jours à la suite d'un sabotage du réseau de transport en mars 2024. « On a l'impression de sentir mauvais et on se sent sale. J'ai dû m'équiper d'un pot pour pouvoir me soulager sur la route. J'ai honte, c'est humiliant », elle a été contrainte d'utiliser un système facturé 2300 euros pour récupérer 12 litres d'eau, car il transforme l'humidité.
Amélie, une autre résidente, affirme dépenser des sommes considérables pour l'achat d'eau en bouteille. Le budget atteint près de 150 euros par semaine pour une famille de quatre personnes.
Cette situation qui bloque les activités engendre une frustration et elle nourrit la colère des usagers envers les autorités et le SMGEAG. Un habitant refuse de payer ses factures en raison du service défaillant.
Le tourisme est lui aussi touché par la crise
Il ne faut pas oublier l'exaspération des touristes alors que les propriétaires de locations saisonnières sont frappées de plein fouet par ce contexte. Confrontés aux coupures récurrentes, les vacanciers voient leurs congés gâchés et n'hésitent pas à faire part de leur mécontentement. Pour Jean-Jacques, un touriste français hébergé à Sainte-Anne, « c’est inconcevable... C'est embêtant pour nous, mais je pense aussi et d'abord aux Guadeloupéens qui subissent cette situation ».
Florence, une habituée de l'île, affirme que ce sera son dernier séjour en raison des problèmes d'eau et d'électricité. Les propriétaires de gîtes traitent des demandes de remboursement de la part de clients insatisfaits.
Certains ont dû engager des frais supplémentaires pour transporter de l'eau et remplir les citernes. Ils sont nombreux à avoir acheté des bouteilles pour tenter d'apaiser la situation.
Période |
Taux d'occupation (%) |
Avant la crise |
85 |
Pendant la crise |
40 |
Les eaux de baignade pourraient même fermer
En juillet 2024, quatre plages du Gosier ont fait l'objet d'une interdiction temporaire de baignade à cause d'une pollution bactériologique. Des analyses réalisées par l'Agence Régionale de Santé (ARS) ont révélé un dépassement des seuils réglementaires pour les germes indicateurs de contamination fécale. Il y a les entérocoques et l'Escherichia coli. Cette situation représente une menace sérieuse pour le tourisme balnéaire qui ne l'oublions pas est un pilier de l'économie guadeloupéenne.
Avec plus de 500 000 visiteurs par an, le secteur génère des retombées importantes pour l'archipel. La fermeture prolongée des plages les plus fréquentées aura forcément des conséquences désastreuses sur la fréquentation touristique.
Les autorités locales ainsi que les acteurs du tourisme attendent des dispositifs d'urgence et des investissements massifs pour rétablir un approvisionnement en eau de qualité. Le monde politique a annoncé un plan de soutien exceptionnel, mais les habitants et les professionnels du tourisme sont sceptiques par rapport à la mise en œuvre de ses mesures.
Que pensent les politiques de cette situation ?
Sur les réseaux sociaux, le hashtag #balancetonsiaeag est devenu viral, il permet par exemple aux Guadeloupéens de partager leurs difficultés quotidiennes. De nombreuses publications avec des photos et des vidéos dénoncent les coupures récurrentes ainsi que l'inaction de la France.
Des captures d'écran de ces publications ont été largement relayées par les médias, elles mettent en lumière l'ampleur de la crise et la détresse de la population alors que les politiques semblent muets. Des manifestations ont également été organisées dans plusieurs communes de l'île, elles rassemblent des milliers de personnes qui réclament des solutions durables.
- Sous la pression de la rue et face à l'urgence de la situation, les autorités guadeloupéennes ont annoncé une série de mesures visant à résoudre la crise.
- Le préfet a dévoilé un plan d'action en septembre 2024 qui prévoie des travaux de rénovation des réseaux de distribution et des usines de production d'eau potable.
- Un budget exceptionnel de plusieurs millions d'euros a été débloqué pour financer ces opérations. Il s'accompagne du soutien de l'État et des collectivités locales.
En parallèle, des solutions provisoires ont été mises en place par les politiques pour pallier les coupures d'eau, comme la distribution de packs de bouteilles et l'installation de citernes dans les quartiers les plus touchés. Ce n'est pas suffisant pour tourner la page.
Un calendrier détaillé des travaux a été communiqué aux habitants. Cela permet de suivre l'avancement des chantiers. Un outil en ligne a également été développé pour informer les usagers en temps réel des coupures et des tours programmés.
Malgré ces mesures, de nombreux habitants restent sceptiques quant à la capacité des politiques à résoudre durablement la crise. Les investissements consentis sont jugés insuffisants au regard de l'ampleur des défis à relever : renouvellement des canalisations et sécurisation des ressources en eau.